Retour au pays
Je suis une Palestinienne qui n'est jamais allée en Palestine. Je porte le nom de ma grand-mère, Sitto Fatima, qui a été chassée de Palestine en 1948. Elle a rassemblé ses enfants, a troqué ses animaux au marché et s'est accrochée à la clé de sa maison, pensant qu'un jour elle retournerait à sa ferme. Elle n'a jamais pu y retourner.
Après avoir été déplacée de Palestine, sa famille a vécu dans un camp de réfugiés au Liban. Trente-sept ans plus tard, je suis née au Liban. On m'a accordé le statut de réfugiée — on vous donne des passeports et des cartes d'identité d'épaisseur risible pour qu'on vous repère facilement. Malgré mon statut de réfugiée, j'ai fait de mon mieux pour m'intégrer. En tant que Palestinienne, j'ai appris très tôt qu'être sans terre signifie que l'on doit endurer l'humiliation, le rejet, la discrimination et la violence.
Depuis le 7 octobre, dans mes séances, je décharge pour abandonner les automatismes de génocide [les enregistrements de détresse] et ne pas me contenter de survivre et d'endurer. J'ai déchargé sur ce que c'était que d'être une réfugiée. Pour moi, en tant que Palestinienne de la diaspora, le foyer est un sujet sensible. S'agit-il d'un lieu ? Est-ce une idée ? Est-ce temporaire ?
En tant que réfugiée au Liban, j'ai vécu les points de contrôle et le fait d'être une citoyenne de seconde zone avec des opportunités limitées. Nous vivions avec de l'électricité rationnée et de l'eau du robinet qui n'était pas potable. Un été, nous avons dû fuir notre maison à cause des bombardements. Mais je ne sais pas ce que l'on ressent lorsqu'on vit en apartheid dans son propre pays.
Je veux que mes alliés soutiennent sans hésiter les Palestiniens. Que faudrait-il faire pour que vous placiez les Palestiniens au centre ? Que faudrait-il faire pour que nous soyons accueillis chez nous ? Que faudrait-il faire pour humaniser les Palestiniens dans votre esprit, exiger un cessez-le-feu et empêcher que les habitants de Gaza soient exterminés ?
J'ai déchargé sur ce que ça signifierait de rentrer au pays ! Je rêve et je pleure à l'idée de visiter le village de mon père et de ma mère en Palestine, de prier dans la mosquée Al Aqsa, de me promener librement dans les villes et de sentir les fleurs d'oranger. Je rêve de manger des figues et des olives dans notre ferme. Dans mes rêves, je pose ma tête sur la terre et elle me murmure affectueusement : « Habibti, tu es chez toi ».
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