Dissocier la libération autochtone et indigène du travail sur le racisme visant les personnes de la Majorité Globale
Après de nombreuses séances de Co-écoute et beaucoup de réflexion, je me suis rendu compte qu'il est logique et utile de dissocier le travail de libération des personnes autochtones et indigènes du travail sur le racisme visant les personnes appartenant à la Majorité Globale. Il existe des différences essentielles entre la façon dont les deux groupes ont été et continuent d'être opprimés.
Les personnes autochtones/indigènes/tribales qui ont la peau plus foncée sont victimes de racisme dans le monde occidental. En ce sens, tant que le racisme n'est pas éliminé, elles ne sont pas "découplées" du travail de racisme et continueront à faire ce travail tant qu’il est nécessaire ou souhaitable.
Cependant, il existe des régions du monde où les peuples indigènes sont la cible de génocides et où la couleur de la peau n'est pas la différence déterminante – des endroits où des personnes ciblent d'autres personnes de la même couleur de peau avec des actions et des politiques génocidaires. Il ne s'agit pas de racisme. Il s'agit plutôt d'un génocide "de même couleur de peau", par exemple les Chinois agissant contre les Tibétains ; les Chinois contre les Hmong, historiquement ; diverses tribus ou nations africaines contre d'autres tribus ou nations africaines, et diverses nations blanches contre les peuples européens autochtones.
Le génocide est la principale oppression dirigée contre tous les peuples indigènes/tribaux/autochtones du monde entier. C'est la principale blessure qu'il faut dénoncer. Dans le cadre de la libération autochtone, nous trouvons des moyens d'évacuer les enregistrements de détresse génocidaire et les automatismes de comportement. En les examinant, en les affrontant et en les déchargeant, nous obtenons de nouvelles réévaluations pour notre libération. Se concentrer uniquement sur le racisme dont nous sommes victimes ne permet pas d'atteindre cette blessure essentielle et primaire.
NOTRE STATUT DE SOUVERAINETÉ EST ESSENTIEL
La libération des autochtones exige également que nous comprenions notre statut de souveraineté. Et elle exige que tous les peuples non autochtones le comprennent également.
Que signifie le statut de souveraineté ?
Tous les groupes autochtones/tribaux/indigènes du monde entier ont un statut de souveraineté en tant qu'habitants originels d'un lieu spécifique, d'un territoire particulier, qui leur appartient depuis des temps immémoriaux. En droit international, un État souverain est défini comme un État qui possède une population permanente, un territoire défini, un gouvernement qui ne relève pas d'un autre État et la capacité d'interagir avec d'autres États souverains.
Les États-Unis et le Canada ont conclu des traités, reconnus par le droit international, avec les tribus amérindiennes et les Premières Nations du Canada, toutes constituant des États souverains. Notre statut de souveraineté nous confère un statut juridique différent aux États-Unis et au Canada de celui des autres peuples de la Majorité Globale, un statut qui est contraignant en droit international.
La Constitution mexicaine identifie les nations tribales au Mexique d'une manière différente. En Australie, les Aborigènes font actuellement une pétition pour que leurs droits soient reconnus. (Au moment où l'Angleterre a envahi l'Australie, les Anglais avaient appris à ne pas conclure de traités avec les peuples autochtones).
Le fait d'avoir un statut de souveraineté constitue-t-il un privilège que les autres peuples de la Majorité Globale ne peuvent pas avoir ? À proprement parler, cela nous donne un statut juridique différent à partir duquel nous pouvons tenter de redresser les torts. Mais comment cela a-t-il fonctionné dans la réalité ?
Les États-Unis ont rompu tous les traités qu'ils avaient conclus avec les Nations Autochtones. La guerre génocidaire menée contre les peuples autochtones sur le continent nord-américain nous a privé des ressources humaines, financières ou militaires qui auraient pu nous faire agir en tant qu'oppresseurs à l'égard d'un autre groupe, de sorte que nous n'avons pu que reproduire ces enregistrements les uns envers les autres.
De plus, nous ne bénéficions pas de nourriture, de soins médicaux ou d'éducation gratuits. Et c'est l'Indian Health Service, une agence fédérale américaine, qui, dans les années 1950 et 1960, a institué la politique de stérilisation des femmes autochtones – un génocide toléré et mis en œuvre par le gouvernement.
Les atrocités infligées aux peuples indigènes sur ce continent et dans le monde entier ont fait couler beaucoup d'encre – elles sont bien trop nombreuses pour être énumérées ici.
NOUS POUVONS IDENTIFIER ET TRAVAILLER SUR NOS DIFFÉRENCES
ET NOS SIMILITUDES POUR BÂTIR DES ALLIANCES
Dans le cadre de la libération autochtone, nous avons réalisé très tôt que le simple fait de demander aux gens d'être nos alliés ne nous menait pas très loin et que nous devions décider d'être les meilleurs alliés possibles pour les autres. Nous faisons donc le travail de décharge. Dans nos groupes de personnes élevées en tant qu’autochtone noir∙e, autochtone asiatique et autochtone chicano/a-latino/a, la question de savoir comment être de bons alliés est un travail permanent.
Lors des ateliers de libération autochtone et dans nos groupes de soutien, nous nous encourageons et nous encourageons les un∙e∙s les autres à décharger avec les directions suivantes :
- Comment puis-je être le/la meilleur∙e allié∙e possible pour les personnes d'origine africaine ? d'origine asiatique ? d'origine chicana-latina ? d'origine arabe ?
- Comment puis-je être le/la meilleur∙e allié∙e possible des Blancs ?
Beaucoup d'entre nous, dans le domaine de la libération autochtone, font constamment ce travail.
Nous avons demandé à nos alliés de la Majorité Globale de décharger sur les situations dans lesquelles ils ont accepté de s'assimiler et de s'acculturer à des cultures dominantes qui travaillent activement à la "disparition" des peuples autochtones.
Dans le cadre de la libération autochtone, nous nous concentrons aussi actuellement sur la collaboration et le travail avec tous les peuples pour faire face à la crise climatique et à l'effondrement économique. Ces problèmes ont un impact sur toutes les formes de vie, y compris les êtres humains.
Au sein d'un petit groupe qui se réunit régulièrement, des personnes désignées m’écoutent et pensent à moi en tant que Personne de Référence Internationale pour la Libération des Autochtones Américains. Le groupe comprend des Chicanas, des Asiatiques, des Noirs, des Blancs, des Juifs, des hommes et des femmes. Je ne fais pas ce travail de façon isolée.
Marcie Rendon
Personne de Référence Internationale de Libération
pour les Autochtones Américains
Minneapolis, Minnesota, USA
Traduit de l’anglais par Régis Courtin