Mon histoire dans la Co-écoute
Au début des années 1980, j’ai rencontré L_, une Néerlandaise qui venait de rentrer du continent africain, où elle avait vécu et travaillé pendant plusieurs années. Nous étions toutes les deux dans le mouvement des femmes, et nous avons donné ensemble plusieurs cours féministes.
L_ était impliquée dans la Co-écoute et voulait m’y faire participer, mais je n’ai pas accepté son offre. Je voyais la Co-écoute comme une organisation apolitique dans laquelle les gens se concentraient sur eux-mêmes. Agir (pour la légalisation de l’avortement, contre la pornographie, contre l’énergie nucléaire et pour les droits des LGBTQ+) était important pour moi. Je pensais que la Co-écoute n’était pas une organisation dans laquelle j’avais ma place.
Dix ans et plusieurs emplois plus tard, au début des années 1990, j’ai rejoint une autre organisation. J’ai été frappée par la façon dont elle était dirigée. C’était la première fois que je rencontrais une dirigeante qui accordait une attention sincère à ses collègues et à ses employé·e·s. Elle pensait qu’il était important de nous écouter et d’entendre ce que nous avions à dire pour pouvoir diriger l’organisation de manière inclusive.
À un moment donné, elle m’a invitée à une réunion sur la libération des femmes. J’y suis allée avec B_, une autre collègue. La réunion était dirigée par Diane Balser, la Personne de Référence Internationale de Libération pour les Femmes. C’était ma première réunion de Co-écoute.
Après avoir obtenu quelques informations, j’ai réalisé que B_ faisait partie de la Communauté de Co-écoute. J’y ai également rencontré une Co-écoutante d’origine africaine. À l’époque, elle était la seule Co-écoutante noire de la Communauté de Co-écoute néerlandaise. Elle était heureuse de voir arriver une autre personne de la Majorité Globale dans le groupe et de ne pas être la seule femme d’origine africaine.
EN SAVOIR PLUS
SUR LA CO-ÉCOUTE
J’ai commencé à en apprendre davantage sur la Co-écoute en faisant plus de séances. Au bout d’un an, lorsque j’ai terminé les classes de base, j’ai assisté à mon premier atelier, un atelier sur les souvenirs sexuels précoces. Mon objectif était toujours d’être une activiste. Cependant, un week-end entier avec beaucoup d’autres personnes et une dirigeante brillante était une expérience totalement différente de ce à quoi j’étais habituée. La façon de communiquer était différente de celle à laquelle j’étais habituée. On m’a écoutée et encouragée à exprimer mes sentiments – et non ridiculisée pour ça, comme je l’avais été dans le passé. Je n’ai pas été jugée pour avoir pleuré, tremblé ou baillé. Je pouvais également écouter l’autre personne sans avoir à donner mon avis ou des conseils. Et j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de rires.
Je me suis sentie soulagée. Je me suis sentie connectée aux autres. Il y avait aussi des sentiments de gêne et de solitude. J’étais l’une des rares personnes de couleur. Ce n’était pas nouveau pour moi. Je m’y étais habituée dans mon travail en dehors de la Co-écoute, où j’étais souvent la seule ou l’une des rares femmes LGBTQ+ de couleur dans un groupe. Pourtant, je ne me sentais pas bien.
Après ma première réunion de Co-écoute, j’ai commencé à mieux comprendre ce que la décharge signifiait pour moi et à quel point il était important de récupérer et d’apprécier mon intelligence et ma bonté. J’ai également compris à quel point c’était important pour chacun·e d’entre nous et que la Co-écoute était un mouvement de libération. Lorsque j’ai rencontré L_ pour la première fois, je n’ai pas tout à fait compris. Je lui suis reconnaissante de ne pas avoir abandonné et d’être restée avec moi pour que nous puissions approfondir notre relation. Au fil des années, nous sommes devenues de bonnes amies et des alliées l’une pour l’autre.
LIBÉRATION DE L’AFRIQUE NOIRE ET DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS
Je suis toujours l’une des rares Co-écoutant·e·s d’origine africaine dans notre Région au sein de la Co-écoute. J_, que j’avais rencontrée lors de ma première réunion de Co-écoute, m’a invitée à mon premier atelier sur la Libération de l’Afrique Noire et le Développement des Communautés (BALCD). Là, un monde nouveau s’est ouvert pour moi. Il y avait tant de femmes noires, d’hommes noirs et de jeunes noirs qui travaillaient ensemble pour un monde juste où les Noirs peuvent vivre une vie épanouie sans oppression.
L’atelier a été brillamment dirigé par Barbara Love, Personne de Référence Internationale de Libération des Personnes d’Origine Africaine. Elle m’a appris à quel point il est important pour les personnes d’origine africaine de se connecter les unes aux autres et de s’aimer. J’ai appris à quel point il est important de ne jamais se taire en tant que femme noire et d’être plus pleinement moi-même. Pour cela, je dois «décharger, décharger, décharger», comme le dit toujours Barbara.
ÉVACUER LA PEUR
J’ai fait davantage de séances et je suis devenue formatrice de Co-écoute. Cependant, il m’a fallu un certain temps avant de pouvoir m’engager pleinement à travailler à ma propre réémergence et à celle de la Communauté. Il m’a fallu du temps pour réaliser que les sentiments de peur qui surgissaient étaient là pour être évacués.
Je n’avais pas encore réalisé que mon travail d’activiste pourrait être plus fructueux si je déchargeais et si je remarquais que lorsque des oppressions comme le sexisme, le racisme et l’homophobie se manifestent, les sentiments n’ont pas à s’opposer à l’établissement de relations durables.
Rétrospectivement, j’ai passé les dix premières années qui ont suivi ma première réunion de Co-écoute avec un pied dans la Co-écoute et un pied en dehors. Puis j’ai enfin commencé à comprendre ce qu’est vraiment la Co-écoute et ce qu’elle signifie pour moi, pour les autres et pour le monde. (Du moins, je pense que je le comprends maintenant, mais j’ai probablement encore beaucoup à apprendre).
Une fois que j’ai été capable de m’engager envers moi-même, j’ai aussi été capable de prendre plus de responsabilités au sein de la Co-écoute. J’ai commencé à diriger davantage de groupes, et j’ai fini par assumer les rôles de Personne de Référence de Secteur et de Coordinatrice des Co-écoutant·e·s de la Majorité Globale en Europe continentale.
TRANSITION
Je suis maintenant confrontée à un nouveau défi : être la Personne de Référence Régionale pour l’Europe Néerlandophone. Je m’en réjouis, sachant que de nombreuses personnes – aux niveaux Régional, national et International – réfléchiront et travailleront avec moi, sur notre propre réémergence individuelle et sur celle de la Communauté.
L’ancienne Personne de Référence Régionale, B_, m’a invitée à ma première réunion de Co-écoute. Elle continue à montrer comment diriger une organisation en accordant beaucoup d’attention à chaque personne. Elle a été pour moi un excellent exemple de la façon de diriger une Communauté. Elle est vulnérable et forte dans son leadership. Je poursuivrai ma relation avec elle et son expertise. La Communauté continuera à avoir besoin de son expérience.
Je me sens forte et capable de reprendre ce poste de Personne de Référence Régionale. Au fil des ans, j’ai tissé des liens avec nombre de Co-écoutant·e·s, tant au niveau Régional qu’International.
Je suis toujours émue lorsque je réalise qu’en tant que Communauté de Co-écoute, nous avons le pouvoir et la possibilité de nous aider les un·e·s les autres, bien au-delà de nos sentiments douloureux. Nous savons que la seule chose qui compte est notre bonté et notre intelligence.
Cela fait maintenant près de trente ans que je pratique la Co-écoute et j’ai rencontré beaucoup de Co-écoutant·e·s avec lesquel·le·s j’ai noué des relations profondes et agréables. Je suis reconnaissante de vous avoir tou·te·s dans ma vie.
J’ai assisté à ma première réunion de Co-écoute avec deux collègues. Nous nous appréciions déjà en tant que collègues et nous sommes ensuite devenues des copines de Co-écoute. Nous avons passé les trente dernières années à approfondir nos relations en tant qu’amies et Co-écoutantes. Nous avons été témoins de notre puissance et de notre brillance. Nous avons également été témoins des luttes dans notre vie. Nous avons vu où nous sommes restées bloquées à cause de vieux sentiments. Nous avons fait des séances de Co-écoute et nous nous sommes souvenues de la bonté de chacune. Nous n’avons abandonné ni l’une ni l’autre. Nous nous sommes également soutenues les unes les autres en tant que Co-écoutantes de la Majorité Globale.
Marlene Melfor
Personne de Référence Régionale
pour l’Europe Néerlandophone
Arnhem, Pays-Bas
Traduit de l’anglais par Régis Courtin