Amener des personnes de la classe ouvrière à la Co-écoute
Réponse de Tim Jackins à une question posée pendant l’atelier pour les formateurs-formatrices et les dirigeant-e-s de Pennsylvanie et du New Jersey, USA
Question: Dan Nickerson [la Personne de Référence Internationale pour la Libération des Personnes de la Classe Ouvrière] a lancé une initiative pour amener davantage de personnes de la classe ouvrière à la Co-écoute, et je trouve que la Communauté de Co-écoute est un environnement très classe moyenne. Je suis curieux de savoir s’il y a eu des initiatives, en particulier aux États-Unis, pour rendre cet environnement plus facile à intégrer pour les gens de la classe ouvrière.
Tim Jackins: Oui, il y a plein de tentatives. Je pense que ce qui marchera, c’est que les personnes de la classe ouvrière prennent contact avec d’autres personnes de la classe ouvrière — pas pour les intégrer dans la Communauté mais pour leur enseigner elles-mêmes la Co-écoute. Je crois que nous devons préparer les gens à faire partie de notre Communauté pour qu’ils ne soient pas aussi vulnérables au fait d’être restimulés par nous quand ils nous rejoignent.
Nous devons tous nous battre contre tout ce qui nous empêche d’avoir des relations avec des personnes de la classe ouvrière. Que nous appartenions à la classe ouvrière, à la classe moyenne ou à la classe possédante, nous avons des détresses qui interfèrent avec de telles relations. Nous devons cela remettre en question — allez-y en trébuchant et soyez maladroits mais commencez à apprendre comment entrer en contact.
À mesure que nous travaillons pour provoquer de grands changements sociétaux, nous aurons besoin de comprendre le monde du point de vue de la classe ouvrière, qui sait comment il fonctionne réellement. Et la classe ouvrière aura besoin des outils que nous avons développés dans la Co-écoute afin qu’elle ne soit pas mise en échec par les restimulations et qu’elle ne soit pas marginalisée.
Les Co-écoutant-e-s appartenant à la classe ouvrière qui connaissent des personnes de la classe ouvrière et voudraient les intégrer à la Communauté doivent leur apprendre la Co-écoute. Leurs amis ont besoin d’avoir pratiqué suffisamment la Co-écoute pour que lorsqu’ils intègrent la Communauté, ils comprennent comment elle fonctionne et ne soient pas simplement réactifs.
Nous nous restimulerons toujours les un-e-s les autres. Il n’y a pas moyen de faire autrement. Nous sommes d’accord pour essayer de ne pas nous restimuler mutuellement, ce qui fait une énorme différence mais cela ne règle pas complètement le problème. Nous nous restimulons quand même les un-e-s les autres. Simplement, nous savons bien en général qu’il ne faut pas laisser les choses s’envenimer et continuer à échanger des restimulations.
Les Co-écoutant-e-s appartenant à la classe ouvrière doivent trouver quelques personnes et leur enseigner la Co-écoute individuellement ou en binôme, ou encore deux par deux. Ils doivent les aider à comprendre la Co-écoute du point de vue de la classe ouvrière, dès le début, et à la comprendre suffisamment bien pour pouvoir participer à la Communauté. Les ressources de la Communauté, qui souvent se trouvent parmi les autres classes sociales, sont valables. Mais si les gens nous rejoignent sans comprendre la notion de restimulation avant qu’elle ne leur tombe dessus, leur réaction sera sans doute du style “Il y a de bonnes choses ici et je voudrais bien rester, mais je ne peux pas le supporter [le tolérer].”
Nous pouvons former les gens nous-mêmes au lieu d’espérer, de prier ou d’essayer de trouver un moyen de manipuler la Communauté pour qu’elle change rapidement. Il nous a fallu longtemps pour bâtir la Communauté et elle ne changera pas du jour au lendemain.
Nous avons besoin d’expérimenter. Ce n’est pas un problème si un groupe de base avec des personnes de la classe ouvrière se réunit séparément du reste de la Communauté pendant un an ou deux — ou le temps qu’il faudra pour que les gens comprennent suffisamment bien la Co-écoute et que cela ne soit pas difficile pour eux de s’y ’intégrer ; pas plus difficile qu’ils ne peuvent le supporter. Je pense que la réponse est dans cette direction. Essayez et dites-moi si ça marche.
Traduit de l’anglais par Régis Courtin