Une récapitulation des bases de la Co-écoute
— Tim Jackins Seattle (USA)
D’après une présentation par Tim Jackins lors d’un atelier à Varsovie, Pologne, Novembre 2003
Certains d’entre vous débutent en Co-écoute et ressentent probablement une certaine crainte. Ce n’est pas bien grave. Certains d’entre nous, qui ne sommes pas débutants, ressentons encore de la peur. Les peurs ne disparaissent pas toujours rapidement. Mais nous ne devons pas croire nos peurs, jamais.
En Co-écoute, nous savons certaines choses importantes. Nous savons que vous êtes bon-ne-s. Même si vous ne ressentez pas cela vous-mêmes, nous savons que vous êtes bon-ne-s. Nous savons que vous êtes intelligent-e-s. Nous savons que vous aimez les autres humains, même si vous êtes trop gêné-e-s pour le montrer — et même s’il vous semble que vous êtes le ou la seul-e à aimer les autres. Je peux vous assurer que chaque personne ici aime les autres personnes présentes, même si elle n’en a pas l’air.
Quand nous avons été blessé-e-s et que nous avons peur, nous avons souvent tendance à ne pas montrer ce que nous ressentons réellement. Nous ne pouvons pas montrer aux autres à quel point nous les portons dans notre cœur. Cela devient notre secret. Mais vous pouvez être sûr-e que chaque personne ici aimerait le montrer ouvertement aux autres. Quand nous sommes blessé-e-s, nos sentiments à notre propre sujet deviennent confus. Et chacun-e d’entre nous connaît de nombreuses blessures. Nous sommes blessé-e-s par notre famille. Nous sommes blessé-e-s par notre éducation scolaire. Nous sommes blessé-e-s par nos ami-e-s. En grande partie, nous sommes blessé-e-s par les sociétés dans lesquelles nous vivons.
Les sociétés font en sorte que nous nous coulions dans un moule qui leur convient. Ce que nous voulons pour nous-mêmes ne compte pas. Par exemple, il existe des pressions au sein du système éducatif pour que nous étudiions des choses qui ne nous intéressent pas, pour que nous subissions des examens dont nous nous passerions bien. Mais les sociétés nous disent que notre vie dépend de ces examens, et vous savez à quel point cela peut être désespérant. Une chose dont nous n’avons rien à faire devient la chose la plus importante, et notre vie entière est biaisée. Vous savez bien de quelles façons vous devez vous comporter dans cette société !
Les oppressions sont manifestes – sexisme, racisme, oppression de l’argent, et bien d’autres. Le sexisme provoque des dégâts chez tout le monde, mais de manières différentes. Les femmes sont maltraitées et n’ont pas droit à la vie qu’elle voudraient. Les hommes sont formés et conditionnés à oppresser les femmes, mais ce conditionnement est dur pour les hommes aussi. Les garçons sont formés pour combattre et tuer ; il sont supposés être prêts à partir à la guerre. Pour les hommes, il devient difficile de ressentir une quelconque sécurité au milieu d’autres personnes ou de sentir en toute confiance qu’elles les aiment.
En Co-écoute, nous sommes amené-e-s à parler de toutes les choses qui ont été dures pour nous. Ça n’est pas toujours facile car nous avons été conditionné-e-s à ne pas nous faire confiance les un-e-s aux autres et à garder beaucoup de choses secrètes. Cela est probablement plus vrai pour la plupart des hommes que pour la plupart des femmes. Les hommes ont été entraînés encore plus durement à ne pas montrer ce qu’ils ressentent. Alors, ça prend un peu plus de temps aux hommes pour montrer ce qu’ils sont vraiment. Il n’y rien de mal à cela ; il s’agit simplement d’une bataille différente. Les hommes, eux aussi, osent lentement se montrer.
A condition que quelqu’un nous écoute avec attention, nous les êtres humains, allons parler des choses qui nous tiennent à cœur, et nous allons commencer à ressentir ce que nous exprimons. Il se peut que nous démarrions en racontant une histoire comme si elle concernait une autre personne. Nous n’osons pas montrer ce que nous ressentons vis-à-vis de cette histoire, mais plus nous parlons, plus on nous écoute avec attention, et plus nous pouvons ressentir les choses et montrer nos sentiments. Petit à petit, nous révélons comment nous avons été blessé-e-s. Il se peut que nous riions d’une chose si elle nous a mis dans l’embarras. (On nous a tous fait ressentir de la gêne sur bien des sujets). Ou il se peut que nous pleurions. Si une personne se montre patiente et attentive, nous trouverons le chemin de nos émotions. Si vous avez du mal à parler dans vos séances (et ça nous arrive tous parfois), il est nécessaire que vous regardiez votre écoutant-e et que vous remarquiez qu’il ou elle désire vous écouter. Pour la plupart, nous ne sommes pas habitué-e-s à ce qu’on nous écoute, à ce qu’on montre un intérêt pour ce que nous racontons, et à ce qu’on veuille comprendre qui nous sommes. Dès que nous pouvons voir que quelqu’un est prêt à faire cela, il y a de plus en plus de sécurité pour parler.
A mesure que nous apprenons la Co-écoute, nous évoquons de plus en plus de choses. Nous apprenons à ne pas croire les sentiments inspirés par les expériences qui nous ont été blessé-e-s. En particulier, il est important de ne pas accorder de crédit aux mauvais sentiments que nous pouvons ressentir à notre propre sujet. Nous avons le sentiment que nous ne sommes pas assez intelligent-e-s. Nous n’aimons pas notre physique. (Peu d’entre nous apprécient leur physique – n’est-ce pas étrange ?) C’est parfois comme s’il y avait constamment quelque chose qui cloche chez nous. Et la société veut nous vendre des trucs pour arranger ça. La publicité restimule les mauvais sentiments que nous avons vis-à-vis de nous mêmes, que ce soit à propos de notre nez, de nos cheveux, de nos sourcils, sans parler de nos vêtements. Nous sommes supposé-e-s dépenser des sommes folles pour des vêtements neufs — dès demain ! Et on nous promet que si nous consommons assez, nous n’aurons plus aucun sentiment négatif envers nous-mêmes. Mais ces sentiments persistent, parce c’est un automatisme de détresse qui ne disparaîtra pas avant d’avoir été déchargé.
Les sentiments et les points de vue issus des automatismes de détresse sont toujours faux. Regardez ces gens autour de vous, mais regardez-les. Il sont adorables. Regardez leur visage, leurs yeux — ils sont tous adorables, n’est-ce pas ? Et pas vous ? Il y a quelque chose de curieux dans la façon dont nous percevons les choses dans ce domaine. Nous avons toutes et tous le physique qui convient. Nous ne devons pas ressembler à un-e autre. Ça ne sert à rien d’essayer de ressembler à un-e autre ; ça ne fait que brouiller nos sentiments envers nous-mêmes. Nous sommes tout à fait bien comme nous sommes. Il est difficile de se souvenir de ça, uniquement à cause des souffrances que nous avons endurées.
Nous avons la capacité de contredire les enregistrements de détresse. Si vous n’aimez pas votre physique (et c’est probablement le cas), essayer de dire quelque chose qui va à l’encontre de ce sentiment. Pour certaines personnes, c’est quelque chose comme « Je suis adorable » ou « Je suis beau/belle ». Pour d’autres, l’étape doit être plus mesurée : « Je ne suis peut-être pas le pire qui soit ». Ou peut-être aussi : « Il se pourrait que quelqu’un apprécie mon physique ». Je peux vous promettre qu’il y a au moins dix personnes ici qui apprécient votre physique. Quand nous regardons vraiment une personne, nous aimons le visage de cette personne. Nous pourrions le contempler pendant longtemps si nous n’étions pas gêné-e-s. (Et les autres sont trop gêné-e-s pour nous laisser les regarder). Mais chacun de nos visages est magnifique. Nous avons tous et toutes exactement l’air que nous devons avoir, et pas celui d’un-e autre. Nous différons tous et toutes les un-e-s des autres de manières intéressantes.
Ce-soir, dans les séances à trois, si vous ne savez pas de quoi parler, vous pouvez raconter l’histoire de votre vie. Vous aurez vingt minutes pour le faire. Commencez tout bêtement par vos souvenir les plus précoces.
Certain-e-s d’entre nous ont des relations étroites avec d’autres personnes ici. Toutes et tous, nous aurons des relations plus étroites au dernier jour de l’atelier. Nous nous sentirons en sécurité les un-e-s avec les autres et nous n’aurons plus envie de rentrer chez nous. Nous aurons l’occasion de bien nous connaître et d’apprendre à être attentionné-e-s les un-e-s envers les autres. Vraiment, les gens sont naturellement attentionnés les uns envers les autres dès qu’on leur en donne la chance. Nous allons avoir cette chance pendant ce week-end.
Paru dans Present Time N°135 (Avril 2004)
Traduit par Régis Courtin